Ouvrage Maquis de Corrèze n°4
P 69 : Léon Lanot
« Le 22 mai 19431, je décide un déplacement du camp vers les gorges du Doustre, dans la commune de Saint-Pardoux la Croisille. Les armes et les explosifs stockés à Gibiat (10 containers qui avaient été parachutés en avril) sont immédiatement distribués. Les nuits sont courtes en cette saison, les routes sont sillonnées de gardes-mobiles, le poids du « barda » de chaque homme atteint 30 kg, les chaussures sont en mauvais état. Deux longues étapes de nuit nous seront nécessaires pour arriver au but. »
P 76 André Vialle
« Léon Lanot, devenu maintenant illégal, et ses hommes viennent s’installer sur la rive droite du Doustre, près du village de Teilhet, commune de Saint-Pardoux la Croisille, où habitent et travaillent des amis sûrs et dévoués, les familles Auberty et Monteil. La vallée profonde et boisée, difficile à parcourir, assure une protection contre les surprises. D’autre part, la Résistance est bien implantée dans toutes les communes du canton de La Roche-Canillac. Il existe maintenant dans la population une organisation de plus cent hommes encadrés et armés que nous nommons la 18ème compagnie AS-FTP dont j’ai le commandement. Le camp de Teilhet prend le nom de « camp Guy Mocquet2 ».
p 76 Micheline Duvignac
raconte l’évasion de son mari Raymond Duvignac de la prison du Puy, le 26 avril 1943 et dit-elle, « après d’interminables marches à pied et de multiples péripéties avec la police à ses trousses, Raymond réussit à atteindre la Corrèze où, au mois de mai, il prend, aux côtés de Léon Lanot, le commandement du camp Guy Mocquet, à Saint-Pardoux la Croisille. Je laisse notre fils Michel à ses grands-parents, et j’entre dans la clandestinité comme agent de liaison de mon mari sous le nom de Juliette. »
p77 André Vialle
Au camp Guy Mocquet, l’effectif grossit tous les jours, ce qui pose quantité de problèmes : ravitaillement, encadrement, armement, instruction sur les armes et le combat, etc.
Il faut aussi, au cours de longues sorties nocturnes, effectuer des corvées, des sabotages, quelquefois très loin.
A la débâcle de 1940, des armes et des munitions avaient été cachées un peu partout. Un important stock se trouve à Limoges, chez un patriote fabricant de porcelaine. Celui-ci s’en ouvre à Bugeac3, qui me met au courant, ainsi qu’Albert Faucher. Antoine Vinatier se charge de l’opération avec son camion. Il emmène avec lui Emile Soularue. A Limoges, ils récupèrent les armes qui étaient cachées sous la paille servant à l’emballage de la porcelaine. Antoine fait deux voyages.
J’assiste à l’arrivée du camion à Teilhet, avec Léon Lanot. On déballe 7 fusils-mitrailleurs, un bon nombre de fusils Mas-36, 11 mitrailleuses Hotchkiss toutes neuves mais sans trépied, et beaucoup de munitions. Nous sommes comblés !
Puis Antoine, Emile et moi mangeons au camp. Boukarine (Baptiste Demathieu) est cuisinier. Nourrir 80 hommes affamés dans les bois, malgré la générosité des paysans des alentours, est très difficile. Or, ce jour-là est un jour maigre. De la vache abattue quelques jours plus tôt, il ne reste que les abats les moins bons. Boukarine a entrepris de « faire passer » le pis. Pour cela, il a confectionné une sauce verte qu’il a baptisée « sauce tartare». Henri Chastagnol veut la goûter, un peu trop goulûment : il en reste un moment bouche bée et les yeux en larmes.
Au moment de repartir, nous apercevons Filochard (Jeantou Reveillon) au volant d’une camionnette chargée de pommes de terre collectées chez les paysans. Elles sont saluées avec autant d’enthousiasme que les fusils-mitrailleurs tout-à-l’heure.
… Les postulants au maquis, ceux recrutés par le père Pérault, restaurateur à Tulle, sont invités à prendre le petit train départemental Tulle-Neuvic. C’est le «tacot» ; les cheminots qui le conduisaient étaient au courant de la montée des réfractaires au STO vers les camps des maquis. C’est à la gare des Chemineaux que ces réfractaires descendent ; ils vont ensuite demander au cordonnier de Teilhet, Julien Auberty, de ressemeler leurs mauvaises chaussures. Julien ou son frère les emmènent au camp, près du hameau. Lourde responsabilié pour Pérault et Auberty, comme pour Raymond Jaucent, au Mortier, commune d’Espagnac, Edouard Bouysset, à La Roche-Canillac, le cafetier Parel à Clergoux, chargés d’assurer le contrôle des jeunes gens pour éviter les provocateurs, les «mouchards» de la police.
P 78 Témoignage de André Noirjean :
Né en 1922, je suis, en 1943, employé à la SNCF en gare de Longwy. Le 2 juin1943, je suis convoqué à une visite médicale en vue de mon départ en Allemagne au titre du STO. Je décide de me soustraire à cette obligation, et le 10 juin je pars pour la Corrèze avec mon camarade Georges Vouilloux, employé des PTT à Verdun, originaire de Clergoux et qui se trouve dans la même situation que moi.
A Clergoux, j’entends parler de « camps de réfractaires ». Un paysan de l’endroit, dont je ne connais ni le nom ni le domicile, me propose de faire partie de l’un de ces camps, celui de Teilhet. Il me conseille de m’y rendre à la nuit tombante, et m’indique le signe de ralliement : siffler La Madelon. Effectivement, dans la nuit du 12 au 13 juin, je me rends à l’endroit indiqué, et j’y trouve deux jeunes gens qui, en entendant La Madelon, s’approchent et m’interrogent. Je suis conduit au camp où je passe la nuit. Le lendemain, je fais la connaissance du chef Didier (Raymond Duvignac) qui m’interroge à son tour. Le camp rassemble 80 hommes environ. Nous avons un instructeur militaire et chaque matin, il y a un exercice et du maniement d’armes.
P78 Elie Mignot
Une jeune fille, Elise Lissajoux, qui travaille chez Raymond Auberty, est agent de liaison du camp.
De leur côté, les gars s’ingénient à aider les paysans : ils les aident à faucher, à rentrer les foins et le blé, et plus tard à ramasser les pommes de terre, pendant que certains montent la garde, l’arme à la main, surveillant les alentours.
Des patriotes d’opinions politiques et philosophiques diverses rejoignent de plus en plus nombreux la Résistance. M. Charbonnel, curé de St-Pardoux la Croisille, transporte ravitaillement et armes pour les maquis dans sa petite voiture.
P 100 Edouard Bouysset
Le 22 juin 1943, une fusillade éclate dans les environs du camp Guy Mocquet, à St-Pardoux la Croisille, entre trois maquisards et les policiers. Ce jour-là, en effet, Didier (Raymond Duvignac), qu’accompagnent deux garçons, a décidé d’aller parlementer avec des policiers installés dans une maison des environs. Alors qu’il les interpelle, les policiers, pris de peur, tirent. Didier est blessé à la base du poumon. Un de ses camarades a la cuisse percée d’une balle. Nous installons ces deux blessés chez Mme Estiveau, à Gumond. Le docteur Carvallaud vient leur donner les premiers soins.
Par la suite, les blessés furent pris en charge par le docteur Peuch, de Marcillac la Croisille et soignés au camp Guy Mocquet II par Marcel Gibiat.
P101
Le 25 juin, le camp de Teilhet est décelé par les gendarmes. Léon Lanot le fait déménager dans la nuit, et l’installe provisoirement au Puy Chassagnoux, toujours sur la commune de Saint-Pardoux la Croisille, à quelques kilomètres de là, puis la décision de scinder le maquis en plusieurs camps d’une vingtaine d’hommes est mise en application. Un chef est désigné pour chacun de ces détachements qui s’installent dans les forêts du Plateau des Etangs, chacun étant en liaison avec un groupe de « légaux » responsables du ravitaillement.
P103
dans la nuit du 13 au 14 juillet 1943, les Allemands surprennent, près du village de La Bessoule (Saint-Pardoux la Croisille) quatre hommes du camp Guy Mocquet venus chercher du ravitaillement : Meunier (Vinatier), Déplumé (Chèze, de Meymac), Raoul et Roland. Le combat s’engage. Un Allemand est tué, trois autres blessés, mais nous perdons un FTP, Roland. C’est le premier combattant qui tombe sous les balles ennemies en Corrèze. Son vrai nom est Auguste Vangierdegom, il avait 22 ans et était né à Mézières, dans la Meuse.
Le corps de Roland est retrouvé le lendemain par les paysans des environs. Son corps est criblé de coups de baïonnettes, et sa figure écrasée à coups de crosse et de talons ; Roland est enterré à La Roche-Canillac. Une foule nombreuse assiste aux obsèques.
p104
Le 14 juillet, les Allemands arrêtent, au château de Pebeyre, Neuville Joffroy, du COPA. Il sera déporté.
P 163 Jean Eleouet, Marcel Gibiat
Le 6 octobre 1943, notre détachement Guy Mocquet, cantonné à côté du village de Maillerode, commune de Saint-Martial de Gimel, attaque le train départemental (tacot), qui ramène à Lapleau 150 jeunes gens des chantiers de jeunesse revenant des vendanges. L’opération a lieu en gare des Chemineaux (Saint-Pardoux la Croisille). Rapidement, nos gars désarment le peloton de gardes qui les accompagne et s’emparent des équipements. Mais ils ne savent pas que les GMR battent les foêts aux alentours. Les voilà surpris et l’affaire finit mal. Un de nos hommes, « Beaudoin », est blessé et fait prisonnier. (Après un séjour à l’hôpital de Tulle, il nous reviendra, délivré par « Jo » et son groupe).
P 197 Jean Eleouet
hiver 1943-1944
L’hiver est rude et le Plateau des Etangs est couvert de neige. Cela pose des problèmes pour l’implantation des camps, car la neige facilite le repérage aérien. Une solution consiste à se rapprocher des villages sûrs, de sorte que les traces soient confondues : nous l’expérimentons à Miginiac et à La Vialatte-Basse (deux villages de la commune de Champagnac la Noaille). Le camp de La Vialatte, sous la responsabilité de Marco, comprend trois sapes : la grande sert de salle commune, avec un foyer et une réserve de bois sec, la dispersion de la fumée se fait à travers un réseau de branchages ; les deux petites sapes servent pour dormir : un bas-flanc surélevé est recouvert d’une épaisse couche de fougères. Pour la toilette, nous utilisons le ruisseau voisin dont il faut souvent briser la pellicule de glace. Nous montons la garde jour et nuit. Nous nous préservons du froid et de l’humidité : l’exemple de notre camarade du camp Gabriel Péri, décédé des suites d’une infection, nous a servi de leçon.
Grâce aux parachutages, chaque maquisard possède maintenant une arme, chaque camp un fusil-mitrailleur.
Notre 3ème compagnie FTP comprend maintenant, sous les ordres de Cabochard, les détachements Guy Mocquet II, près de Clergoux, Gabriel Péri, près d’Eyrein, Pierre Sémard, près de Saint-Pardoux la Croisille, Léopold Rechossière, près de Lafage.
P 228 André Vialle
Début janvier 1944, un groupe de quatre FTP (René Vialle, Gil, deux Espagnols) rentrant d’une mission, vers minuit, entendent un avion volant bas, près du village du Teilhet de Saint-Pardoux la Croisille. Vivement, ils sortent des lampes de poche et font des signaux. L’avion revient et lâche les containers dans un champ près des maisons. Raymond Auberty, sa femme, Baptiste Monteil et ses fils accourent. Je suis prévenu immédiatement. Trois chariots à vache amèneront les containers aux planques de La Tourette, derrière la ferme d’Artiges, à Clergoux. Les chariots et les conducteurs font ainsi 20 kilomètres à pied dans la neige, par les petits chemins... Les gars sont fatigués. Après le casse-croûte, le convoi silencieux reprend le chemin du retour...
p 281 Elie Mignot
août 1941 : je suis de retour à St-Pardoux, je m’emploie à créer un noyau de résistance autour des anciens membres du parti Communiste : avec François Chambaudie, ancien tailleur de pierre, j’allais voir Raymond Auberty, au hameau de Teilhet, et François Vialle à Gros-Chastang, puis Dichamp, de Saint-Martin la Méanne, Dief, artisan-peintre à Marcillac, Jean Veysset, Miginiac et Tourette, de Saint-Pardoux, Saintagne, artisan-charron à La Roche-Canillac, etc.
p 374 Yvan Boguinski
Pratiquer la chirurgie dans les conditions de la guerre des partisans présente des problèmes majeurs ; sur le terrain, au coin d’un bois, dans une ferme, les conditions d’asepsie totale ne sont pas faciles à obtenir.
Le blessé au combat à Eyrein avait reçu une balle dans la poitrine et avait une côte emportée. Nous l’avons opéré dans une maison abandonnée de Teilhet de Saint-Pardoux : pour tout matériel, quelques pinces et matériel divers...
p 464 François Vernat
10 juin 1944 : une colonne allemande, venant des Jordes où elle a brûlé le hameau, se dirige sur les Chemineaux en tirant presque continuellement à la mitrailleuse et au canon sur les bois et les taillis des bords de la route. Aux Chemineaux, ils abattent un homme que nous ne connaissons pas. Une vieille dame, Mme Victorine Soleilhavoup, perd connaissance et meurt au bruit de la fusillade.
Paul Robert
Avant de partir, les Allemands donnent l’ordre aux gens des alentours d’enterrer le corps de l’inconnu. Avant de mettre le corps dans le cercueil, nous cherchons, sans trouver, des papiers d’identité. Nous prélevons des échantillons de ses vêtements en vue d’une identification ultérieure4. Il est mort d’une rafale dans le ventre.
P 496 témoignage collectif
(juin 1944) le Parti communiste a enterré, près d’une ferme du Teilhet, son imprimerie ramenée de Varetz par Marcel Vigne et Jo (Mandart).
1 Léon Lanot décide le transfert du camp de Chamalot grossi par le maquis de La Saulière, à la suite de l’attque de ce dernier par Les GMR.
2 Guy Mocquet (1924-1941) : lycéen, membre des Jeunesses Communistes, il était le plus jeune des 48 fusillés le 22 octobre 1941 à Chateaubriant.
3 Gilbert Bugeac : responsable du COPA (Centre d’Opération de Parachutages et Atterrissages), en liaison avec Londres.
4 Cette identification n’a jamais eu lieu. Sur la stèle érigée au bord de la route figure la mention : « F.F.I. inconnu, tué le 10 juin 1944 ». En page 469, André Odru écrit : « Nous avons tout lieu de penser que le chauffeur espagnol de la voiture de Kléber et l’inconnu des Chemineaux étaient le même homme, c’est-à-dire José, un Espagnol (non identifié) que Kléber avait fait venir du Lot pour l’aider : voiture, liaisons, sécurité, etc ». La voiture de Kléber avait été attaquée à Chataur, les occupants s’en étaient échappés et avaient fui dans les bois (narration page 462 de « Maquis de Corrèze, édition n°4).